dimanche 9 décembre 2012

Rencontre avec Célia Lerouge-Bénard, directrice de Molinard.

   Il y a près de deux semaines, j'ai eu la chance de rencontrer Célia Lerouge-Bénard, la nouvelle directrice de la maison Molinard, de passage à Paris pour la sortie de la gamme de produits dérivés du parfum Habanita. Cette entrevue s'est déroulée à l'hôtel Alba, où avait eu lieu le lancement de la nouvelle concentration eau de parfum de cette fragrance en février dernier. 


  Fascinée depuis l'adolescence par ce parfum, que j'ai porté de manière addictive pendant longtemps, (et que je porte encore aujourd'hui), j'ai sauté sur l'occasion pour interviewer la directrice "5ème génération " de cette maison grassoise. 

J'ai lu que vous faisiez partie de la famille à la tête de Molinard depuis des décennies, j'imagine que vous avez donc "baigné" dans l'univers du parfum toute votre vie? 

  Oui, en effet, ceci d'autant plus qu'à une époque Molinard était aussi une société de matières premières, qui produisait donc le parfum de A à Z.  C'est pourquoi j'ai eu la chance, enfant,  de participer aux récoltes de fleurs comme on assiste aux vendanges par exemple, c'était un évènement familial. C'est certain que cela sensibilise au parfum et développe l'odorat. Je remarque d'ailleurs que c'est quelque chose que l'on transmet à ses propres enfants.



J'ai lu que vous portiez Habanita , est-ce votre unique parfum? 

 Oui c'est un parfum que je porte, même si je n'y suis pas venue tout de suite. C'est un parfum intimidant que je ne comprenais pas quand j'étais petite ni adolescente d'ailleurs. Il a beaucoup de présence, il a fallu me débarrasser de mes complexes et assumer ma féminité pour le porter.   D'ailleurs je suis toujours fascinée par ces jeunes femmes qui se l'approprient d'emblée. Aujourd'hui c'est le parfum que je porte le soir mais aussi en journée, parfois mixé avec un autre de notre gamme, Tendre Friandise, pour en faire ressortir la facette vanillée.

Pourquoi avez-vous choisi de réorchestrer Habanita en eau de parfum cette année? Etait-ce une nécessité relative aux contraintes de l'IFRA ou plutôt une volonté de le faire connaître aux jeunes générations en le rendant plus accessible? 

  Cela tenait plutôt d'une envie personnelle. Pour être honnête, nous n'avons pas trop souffert des normes imposées par l'IFRA. Certes, à un moment nous avons eu peur en raison d'une restriction visant le vétiver (très présent dans Habanita), mais nous avons réussi à contourner ce problème.
  L'idée m'est venue en constatant qu'il s'agit d'une fragrance très "capricieuse", c'est à dire qu'au moindre changement infime dans la formule, le parfum devient totalement différent et perd de son harmonie. Habanita est une création complexe en ce sens qu'elle est très difficile à équilibrer. J'avais donc envie de trouver le dosage parfait qui mettrait en valeur le coeur du parfum et son évolution, qui me parlent tant personnellement. Comme une sorte de challenge en quelque sorte.
  Et puis, bien sûr, l'eau de toilette d'Habanita était sublime, mais ses notes de tête pouvaient être un peu dures. C'est certes ce qui faisait partie de son charme, mais dans un contexte où le zapping est de mise, où l'on ne prend plus le temps de laisser évoluer un parfum avant de le choisir, où malheureusement les consommateurs ont envie que le parfum leur plaise immédiatement, cette  ouverture pouvait les empêcher de découvrir cette perle qu'est Habanita. Or je trouvais dommage qu'on puisse passer à côté pour cette raison. J'ai donc un peu gommé l'aspect piquant et rêche de l'envolée du parfum pour entrer directement dans le corps du parfum, cette partie qui me séduit tant.

Auriez-vous quelques anecdotes à nous confier au sujet d'Habanita? 

  Je pourrais vous confier qu'Habanita était à l'origine une huile destinée à parfumer les cigarettes des garçonnes mais cette anecdote est connue. Plus largement je dirais qu'Habanita était un parfum provocateur, (et qu'il l'est toujours d'ailleurs). C'est un parfum d'émancipation, puisqu'il était voué à rendre le geste de fumer plus féminin, pour que l'image d'une femme qui fume cesse d'être mal vue. Il évoque l'époque des garçonnes.
  Et puis, avec sa forte concentration en vétiver, pour un parfum féminin, Habanita était avant-gardiste.  C'est d'ailleurs la variété de vétiver utilisée dans sa formule qui ajoute beaucoup à son originalité.

A l'exception d'Habanita, référence la plus célèbre de la maison, quels sont les autres parfums phares chez  Molinard? 

   Les autres fragrances qui plaisent beaucoup au public restent celles qui mettent en valeur une matière "brute", simple, préservée, dans un esprit "solinote", aux antipodes d'une création complexe et abstraite comme Habanita.  Ainsi notre Patchouli séduit beaucoup, pour son aspect terreux, loin des facettes gourmandes d'un Réminiscence par exemple. Notre gamme de vanille marche très bien également.


Envisagez-vous, à l'avenir, de remettre au goût du jour certaines autres de vos références? 

  Il n'y a rien de prévu de tel pour le moment, mais dans l'idée c'est un exercice que j'aimerais recommencer avec Tendre friandise. A notre époque, malheureusement, le marketing prend de plus  en plus de place dans l'univers du parfum, voire trop de place, laissant boudées de bonnes créations olfactives au profit de parfums souvent moins bons ou qualitatifs, mais mieux servis par des lancements à grande échelle, par la publicité ou par une égérie ou un nom accrocheur. C'est, à mon sens, le cas d'une fragrance comme Tendre friandise,  une gourmandise qui pourrait plaire au public mais qui reste souvent oubliée en raison, notamment, d'un nom un peu désuet.  C'est pourquoi la relancer sous un autre jour pourrait se révéler intéressant.

Plus largement, comment voyez vous l'avenir de la maison Molinard? 

  Vaste question, qui nécessite quelques explications préalables! Cela fait dix ans que je travaille pour cette marque, mais j'ai mis du temps à m'y sentir légitime, car je ne voulais pas être là  simplement parce que je faisais partie de la famille. Je voulais y travailler à condition que cela m'intéresse vraiment et que je puisse apporter quelque chose. Tout ce cheminement prend du temps, et ce n'est pas simple d'être à la tête d'une maison ancienne de 160 ans!
  Aujourd'hui j'ai pris les rênes de Molinard depuis deux ans, et j'ai envie d'en préserver le patrimoine, tout en le faisant vivre au rythme d'aujourd'hui. C'est à dire que mon père était quelqu'un d'humble, qui fonctionnait au feeling, comme ça pouvait encore être le cas à l'époque. Le contexte a malheureusement changé et on ne peut plus faire abstraction totale de l'aspect marketing  même si, attention, ça ne doit pas devenir l'essentiel! Mon père me disait souvent "oui mais nous ne sommes pas Chanel ou Guerlain..."  Et bien justement, j'ai envie d'en prendre mon parti avec tout ce que cela implique, c'est à dire de faire de notre "petite échelle" une force, un atout.
  Concrètement, cela signifie de conserver les formules de qualité que nous possédons, mais en misant aussi sur la communication autour de nos fragrances, peut-être avec de nouveaux packagings, par exemple.  Ne pas lancer un parfum nouveau à tout prix, prendre le temps de mener les projets à terme (pour la petite histoire, le lancement de l'eau de parfum Habanita a dû être repoussé, parce qu'en 2011, nous n'étions pas assez satisfait du résultat), mais savoir aussi s'entourer de personnes compétentes dans les domaines que nous maîtrisons moins, comme la communication. J'ai envie que l'on s'adapte à l'air du temps tout en continuant de prendre le temps de faire  bien les choses.



samedi 17 novembre 2012

Aurore Nomade: dépaysement au programme chez The Different Company.

   Après des colognes aux noms évocateurs de voyage (Tokyo Bloom, Sienne d'Orange...), la marque explore les contrées exotiques, avec sa dernière fragrance, Aurore Nomade. La Collection Excessive (Oud Shamash et Oud for Love) se dote donc d'un petit nouveau, qui lorgne cette fois-ci vers les Tropiques.

   Je n'étais pas la seule, je crois, à être intriguée par ce lancement, frileuse au registre fruité, à l'exception de la prune, (n'y voyez aucun rapport avec le digestif, merci, il s'agit d'un souvenir d'enfance - la prune, pas le digestif-), bien que connaissant la qualité habituelle des créations de la maison et le savoir-faire de Bertrand Duchaufour, qui a composé cette nouveauté.



    Ce parfum a donc confirmé mon intuition: le fruit est ici retranscrit avec finesse, loin de l'aspect arôme industriel qu'on lui connaît trop souvent.  Construit autour de l'idée de la Karambole, fruit exotique, Aurore Nomade est une fragrance assez "fleurs blanches", aux notes fruitées aqueuses, sur un fond plus ambré, tout en étant parcourue d'un fil conducteur épicé.  Dans la veine d'un Batucada de l'Artisan Parfumeur, mais moins sucré, plus caressant, plutôt contemplatif là où ce dernier se veut dansant et chantant. On retrouve en outre une petite note liquoreuse dans les deux, qui peut accentuer la "parenté", bien que les deux créations n'expriment pas, pour ma part,  le même sentiment. 

  La première "bouffée" du parfum, verte et juteuse évoque d'emblée une banane verte, mais j'y perçois aussi une note arômatique ou un effet, du moins, type aneth,  bien que je ne pense pas qu'il y en ait réellement, mais l'impression de "feuille" est bien là. Cette sensation s'estompe pour laisser des notes fruitées et aqueuses s'exprimer pleinement, m'évoquant un peu le "melon", dû à la calone, (note iodée et marine dont l'illustration parfaite est L'Eau d'Issey), dont la facette aquatique s'est noyée dans un coeur floral qui se déploie autour de l'ylang-ylang, très présent. La note banane trop mûre ou verte subsiste, et se marie très bien avec cette fleur solaire et charnelle. J'ignore, ici, s'il s'agit de l'acetate de benzyle (molécule naturellement présente dans le jasmin) qui a été poussé, pour procurer la note banane.  Ce qui est certain, c'est que l'alliance de ces matières premières nous transporte vers un pays lointain. J'imagine assez bien Bali, avec cette sensation de fleur de frangipanier et de fruits exotiques, tellement typiques de cette Ile. 


  D'autres notes viennent structurer le parfum, en tissant une trame épicée, que l'on perçoit tout  juste au début, pour mieux les capter ensuite: le clou de girofle et la noix de muscade. Ces notes sont sur ma peau assez présentes, alors qu'elles se font beaucoup plus discrètes sur touche. Comme nous l'expliquait Bertrand Duchaufour, la présence de l'indole vient aussi texturer et réchauffer le parfum, avec ses notes sensuelles, animales et fumées, mais avec subtilité et retenue. La composition s'achève sur un fond ambré et un peu vanillé, qui vient étirer l'aspect suave du coeur floral. Je perçois, sur ma peau, un aspect boisé-ambré, peut-être dû à l'ambroxan.

   Je ne suis définitivement pas adepte du style fruité ou aqueux, donc je ne porterais pas ce parfum, mais je trouve que c'est une belle composition dans cet esprit, que je recommanderais avec plaisir aux personnes en quête d'évasion, de fleurs blanches pas trop opulentes, ou de fruits sans mièvrerie. 

    

   
  
   

vendredi 26 octobre 2012

Parlons de vrais iris gourmands...

 C'est en reparlant hier avec mes amis perfumistas lors du cocktail Profumum Roma, (sur lequel je reviendrai), de La Vie est Belle que m'est venue l'idée de cet article. 

  Qu'il s'agisse d'un énième fruitchouli dégoulinant de sucre (mais novateur par sa puissance, sans doute), soit:  nous sommes habitués, et hélas à peine surpris et déçus. Qu'il ressemble tant à Flowerbomb de Victor & Rolf, c'est certes un peu choquant puisqu'ils proviennent tous deux, comme par hasard, du même groupe (L'Oréal). Qu'il surfe comme tant d'autres sur les succès de Coco Mademoiselle et d'Angel, que voulez-vous, pourquoi prendre des risques et utiliser les talents des 3 parfumeurs qui l'ont créé alors qu'on peut brimer leur créativité en s'en référant uniquement aux tests consommateurs??  (Qui, soit dit en passant, ne risquent pas d'évoluer si on leur propose toujours la même chose.... Pour faire un parallèle, pourquoi voudriez-vous qu'un gosse à qui l'on n'a jamais filé que du Mac do, réclame tout d'un coup de lui-même du poisson?) ... 
   Mais que Lancôme se vante, en outre, d'avoir créé je cite le "premier iris gourmand",  là ça devient franchement gênant.  

  Gênant, parce que tout d'abord, l'iris, dans ce parfum, il faut vraiment aller le chercher... J'admets volontiers que respirer ce parfum plus de dix minutes pour moi qui déteste les fruitchouli, relève de la torture olfactive, mais tout de même. Lorsqu'on sait de surcroît que l'iris est la matière la plus coûteuse de la parfumerie, on peine à croire qu'il soit vraiment naturel dans La Vie est Belle..  (Mais puisqu'on a englouti tout le budget dans la communication, s'il est naturel, il doit être présent à dose infinitésimale). Enfin et surtout, c'est mensonger puisque c'est oublier nombre de parfums autrement plus beaux et créatifs qui sont de belles illustrations de ce qu'est un vrai accord iris gourmand,  comme Dior Homme, pour ne citer que lui. 

   C'est pourquoi j'ai eu envie de revenir sur quelques beaux "iris gourmands" qualitatifs, histoire de montrer ce que notre parfumerie peut créer, lorsqu'on lui en laisse les moyens et la possibilité. 

  Commençons par un des plus connus, en mainstream, Dior Homme. Certes, un peu reformulé depuis qu'LVMH est passé par là en rapatriant ses formules, ce dernier proposait de manière  novatrice lors de sa sortie (2005) un bel accord iris-carotte-cacao, sur un fond boisé et ambré. Ici on se joue des codes, en adaptant le poudré au masculin, pour en faire un parfum doux, sexy, vibrant et original. La version actuelle a perdu de sa finesse et de son originalité, plus "virile", moins subtile,  les accents carotte et chocolats de l'iris ayant été atténués et lissés.  Mais il en subsiste un parfum encore nettement plus beau que bon nombre de créations masculines sur le marché.

  L'iris gourmand se retrouve aussi chez Guerlain, et semble être un accord cher à Thierry Wasser . D'abord dans une gamme plus "niche", l'Art et la Matière, avec Iris Ganache, en 2007, un parfum qui met en valeur cette matière incontournable qu'est l'iris chez Guerlain, sur un ton chaleureux et sexy. En étirant les facettes "cacao" du beurre d'iris vers un aspect "chocolat blanc",  sur un fond vanillé et ambré, on obtient une gourmandise raffinée, aux notes poudrées et crémeuses.

 
L'équilibre entre l'élégance de l'iris et la sensualité d'un fond gourmand et ambré va de nouveau être exploité par Thierry Wasser pour une création plus "mainstream" chez Guerlain, mais non moins qualitative: Shalimar Initial.  Cette fragrance, c'est d'abord, un peu, la structure de Shalimar qu'on aurait bousculée dans un autre ordre: les notes florales discrètes de l'original ont ici été déployées en coeur, la bergamote overdosée plus en sourdine, pour laisser plus de place à la lavande, le fond vanillé dépouillé de son animalité mais toujours très onctueux et riche en fève tonka, sans oublier le patchouli bien sûr. Mais c'est aussi et ce, dès l'envolée du parfum, l'iris que l'on sent s'imposer d'un bout à l'autre de la composition, un bel iris, pour un effet poudré très Guerlain, finalement. Un beau beurre d'iris, associé à un fond vanillé gourmand, baumé et sexy. Voici il me semble, pour le coup, un bel iris gourmand conjugué au féminin dans le mainstream.

 
Il y a évidemment d'autres exemples d'iris gourmands ou chaleureux en parfumerie, (Equistrius, Parfums d'Empire,  Infusion d'Iris Absolue, Prada...). Mais il y en a un sur lequel j'aimerais m'attarder avant de clore cette revue, c'est Volutes de Diptyque, notamment dans sa concentration eau de parfum (puisqu'on parle ici d'iris gourmands).



  Dès sa sortie à la rentrée, ce lancement a séduit la blogosphère mais pas seulement, puisqu'il semble très bien se vendre, notamment sur le stand du Printemps Haussmann. Ce parfum pourrait être un croisement entre Infusion d'Iris, Dior Homme et Ambre Narguilé par exemple. Je ne sais plus qui a évoqué une ressemblance avec Midnight Paris de Van Cleef & Arpels, mais je leur trouve, il est vrai, un petit quelque chose en commun, peut-être un effet thé fumé, associé à des notes plus gourmandes-ambrées. Bref, ce parfum propose un accord iris-tabac miellé des plus réjouissants. Je parle ici d'iris gourmand, or c'est un peu réducteur, puisque ce Volutes n'est pas que ça. C'est également une belle variation sur les notes tabac, à la fois tabac miellé et tabac amsterdammer. On peut aussi parler d'effluves épicées, fumées et légèrement cuirées, voire presque, furtivement,  un peu "goudron" sur ma peau en edp.  Mais son originalité réside bien dans cet équilibre iris hautain/tabac miellé un peu sucré et baumé, que je conseille, pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait, d'essayer au plus vite. Mention spéciale, pour le très beau nom, Volutes, qui m'évoque toujours "Variations sur Marylou" de Gainsbourg,  (..."tandis que Marylou s'amuse à faire des "volutes" de sèches aux menthol...").
 

 

    

vendredi 5 octobre 2012

La marque By Terry se met au parfum...

  Terry de Gunzburg,  créatrice de la marque de cosmétiques By Terry, s'est lancée cette année dans le domaine de la Haute Parfumerie. Avec une ligne de 5 créations, au packaging un peu "rétro", non sans charme, et des prix plutôt raisonnables pour de la niche, elle réalise une envie qui lui tenait à coeur depuis longtemps. 

  En effet, à en croire les interviews et les articles de presse qui lui sont consacrés, cela fait plusieurs années que lui trottait dans la tête l'idée de lancer une collection de fragrances, avec pour référence les sillages qui ont peuplé son enfance,  (Bal à Versailles, Miss Dior,  Mitsouko), mais aussi plus récemment, des exemples comme Serge Lutens, qu'elle affectionne tout particulièrement. Si on ne joue pas ici sur le même terrain que cet orfèvre de la parfumerie, l'idée était toutefois d'offrir des parfums composés de belles matières premières, et dont le rendu olfactif lui plaisait. Pour ce faire, elle a d'abord appris à sentir, puis, n'étant pas nez pour autant, a fait appel à la société de création Robertet, afin de réaliser une gamme de parfums faisant la part belle aux fleurs blanches, mais pas seulement. 

  Très joli sur le papier, mais qu'en est-il réellement, à vue de nez, de cette collection? Les perfumistas en quête d'inattendu devront passer leur chemin, car on n'est pas ici dans le registre du jamais-senti, jamais exploité. En revanche, reste une belle ligne de parfums, bien maîtrisée, certes, dans un esprit  classique,  mais de manière qualitative, avec de beaux matériaux, le tout à un prix plutôt accessible pour de la "haute parfumerie".  



  Le plus intéressant  et original de la gamme est, à mon nez, Ombre Mercure,  qui ne m'évoque aucun autre parfum déja senti. On m'avait parlé de violette, or c'est plutôt la feuille de violette que je sens, sur un fond oriental assez patchouli.  Au fil de l'évolution se dessine une sensualité "sèche" et boisée, tout en s'étirant longuement au fil des heures sur un fond texturé, où  le benjoin arrondit légèrement la composition.


  J'aime aussi assez Parti Pris, un floral solaire sur fond vanillé et baumé, dans l'esprit d'un Songes par exemple, mais moins exotique, moins lascif. Rien de nouveau sous le soleil pour cette fragrance, c'est un genre que l'on connaît, mais c'est joli, sensuel et très féminin. Le dossier de presse parle de tubéreuse, dans ce cas très sage alors! Je définirais plutôt cette fragrance comme un duo ylang-tubéreuse, à l'envolée très légèrement fruitée et croquante, mais qui se pare rapidement de ses charmes suaves et salicylés, pour évoluer vers un fond vanillé et très "baume de tolu".

  Lumière d'épices est une jolie fragrance construite autour du tandem fleur d'oranger-jasmin, dans la lignée du  beau Fleurs d'Oranger de Lutens.

  La figue est décidément une note en vogue ces derniers temps, puisqu'elle est une fois de plus mise en valeur ici avec Fragrant délice, dont on a tiré l'aspect gustatif vers une évolution plus gourmande avec un fond amandé-lacté empreint de santal.

  Enfin, le dernier, Rêve Opulent, est celui que j'aime le moins, parce qu'il flirte avec ce genre que j'affectionne si peu en parfumerie: le floral fruité. (Oui, à l'exception de la prune, j'ai une véritable aversion pour les notes fruitées). Bien que construit autour du gardénia, que j'adore,  (mais dans ce registre je vous conseillerais plutôt de lorgner vers le dernier-né de Lutens), ce parfum, aux facettes légèrement aqueuses, exhale des effluves d'ananas et de banane (probablement en raison de l'acetate de benzyle). J'ai aussi entendu des clientes lui trouver des faux-airs de J'adore, remarque non dénuée de sens.  Bref, vous l'aurez compris, à mon nez c'est le plus commercial de la gamme (même si on est loin de La Vie est Belle je vous rassure), et pour moi, celui-ci n'a pas vraiment sa place dans une gamme dédiée à la Haute Parfumerie.

   D'ailleurs, peut-on parler ici de niche et de Haute Parfumerie? Ca se discute....Certes, on peut attendre de la haute parfumerie qu'elle bouscule les codes, mais on attend aussi d'elle de la qualité, or du "bien foutu", ce n'est pas ce qui manque aux parfums de Terry de Gunzburg.  Néanmoins, il me semble que le propos n'était pas forcément ici d'innover avec des compositions extravagantes,  mais plutôt de créer des fragrances de belle facture, dans la tradition d'une parfumerie à la française. Si je ne me trompe pas, alors c'est plutôt réussi, malgré un ou deux parfums aux  faux airs de "déja-vu". En tout état de cause, ce qui est certain, c'est que l'on aimerait que le mainstream ressemble à ça:  des parfums accessibles olfactivement, mais bien construits et qualitatifs.



jeudi 6 septembre 2012

Nouveau parfum: Coco Noir, de Chanel.




 Coco Noir, le dernier-né de Chanel, est l'un des lancements les plus attendus cette année. Revendiqué comme un "oriental lumineux", Coco Noir s'inspire de l'univers baroque de Gabrielle Chanel et des influences byzantines qui ont jalonné son oeuvre. En effet, à la mort de son amant Boy Capel, ivre de douleur, Coco Chanel visite Venise, et revient particulièrement inspirée par cette ville. 


 Ce souffle baroque, c'est d'abord dans Coco, créé en 1984, qu'il s'exprime chez Chanel. Dans la lignée olfactive des orientaux fleuris - épicés, au patchouli plus prononcé que la vanille,  tels Opium YSL, Youth Dew d'Estée Lauder et Tabu de Dana, Coco est un très bel oriental fleuri-épicé. Rose et ylang-ylang se mêlent en coeur pour la facette fleurie, sur un fond ambré et légèrement chypré.Le tout épicé de cannelle et clou de girofle, sans oublier cette note fruitée (pêche), qui achève de donner sa personnalité à la fragrance.


  Or cette note de fruits confits, associée à un fond sensuel, boisé-ambré-musqué, velouté, on la retrouve initialement dans le sublime Bois des Iles, créé en 1926, qui inspirera, bien des années plus tard, le masculin Egoiste.   
   
  Revenons au XXI ème siècle, où verront le jour, entre autres, deux créations féminines, dont un best-seller mondial, Coco Mademoiselle, en 2002, puis en 2008, Allure Sensuelle, que personnellement j'aime beaucoup, mais au succès plus réservé.  

   Pour Coco Mademoiselle, le parfumeur de Chanel, Jacques Polge, a exploité la facette fruitée de Coco, en étirant l'aspect "pêche", sur un coeur floral, tout en mettant l'accent, en fond, sur le patchouli. Cette création lance alors la mode de ce qu'on appelle les  "néo-chypre". 
  Sans le savoir, Jacques Polge influence largement alors un grand nombre de parfums féminins dans la foulée, généralement moins réussis, plus grossiers, sirupeux, que l'on qualifie souvent de "fruitchoulits", surfant sur le succès de Coco Mlle, mais le plus souvent très ennuyeux et peu qualitatifs.

  Quatre ans plus tard, et près de dix ans après Allure, voit le jour Allure sensuelle, avec pour égérie la très belle Anna Mouglalis. Or j'ai pour ma part toujours trouvé, hormis l'aspect piquant et montant des bois ambrés, qu'Allure sensuelle tenait  plus de Coco que de son prédécesseur Allure. En effet, Allure Sensuelle est une création facettée, où l'on retrouve la touche fruitée de Coco, avec la prune, bien que moins marquée, autour d'un coeur floral,  paré de notes épicées, sur un fond ambré et boisé. 

     Pourquoi évoquer ici toutes ces fragrances plutôt que de décrire tout simplement Coco Noir?
    Si j'ai pris la peine de retracer toutes ces créations antérieures, c'est qu'il me semble qu'il existe, de manière simplifiée, deux styles Chanels, d'un côté le grand floral aldehydé dans la veine du N°5, de l'autre, un style plus sensuel, oriental-boisé-chypré, avec des tonalités  fruitées, dans la veine de Bois des Iles et de Coco. 
   Or, dans cette vision, Coco Noir est une suite logique dans la partition de Chanel, assombrissant  d'un fond ambré Coco Mademoiselle, à mi-chemin entre ce dernier et Coco, tout en ayant un petit quelque chose d'Allure sensuelle. Certes, on peut émettre des réserves quant au fait qu'on n'explore pas ici un registre innovant.  Mais on peut aussi considérer qu'il s'agit d'une "variation sur le même thème", qualitative, et manifestement "témoin" d'une certaine expression de la patte de Jacques Polge, qui aurait pris naissance à l'époque de Coco, en passant par Coco Mademoiselle et Allure sensuelle, pour arriver à Coco Noir.

   Coco Noir s'ouvre donc sur des notes de têtes hespéridées, (bergamote de calabre, pamplemousse) rappelant le départ de Coco Mlle. Il semble également qu'on ait glissé de la pêche vers une facette fruits rouges, même si ce n'est pas revendiqué dans la pyramide.
  S'ouvre alors un coeur floral, de rose et de jasmin, auquel le géranium, spécialement cultivé à Grasse pour l'occasion, apporte un peu de mordant. C'est d'ailleurs à ce stade que je sens une filiation avec Allure Sensuelle.  Le mariage rose-jasmin avec le géranium et le narcisse, alors qu'on sent poindre un  fond plus rond, me fait l'effet d'un clin d'oeil à cette fragrance.
  Le fond nous entraîne plus vers l'univers de Coco que du "Mlle", test à l'appui, sur la peau et sur mouillette le lendemain matin, et je préfère nettement cette phase aux notes de têtes. C'est un parfum qu'il faut laisser évoluer, car la fève tonka apporte de la rondeur et de la sensualité à la composition. Les notes de fond ambrées et vanillées, (l'aspect chypré en moins) font la part belle   au patchouli,  fidèle à ses aînés. Dans la veine d'Allure Sensuelle, Coco et de sa déclinaison Mlle,  ce Coco Noir est une création facettée, entre la gourmandise-fruitée dans l'air du temps, l'aspect fleuri, et la sensualité orientale des notes de fond, pas forcément novatrice, mais exprimant la continuité d'un fil conducteur dans l'univers Chanel. 



    
  

lundi 20 août 2012

Etat Libre d'Orange a-t-il une signature olfactive?


   Une empreinte poudrée,  baumée, sensuelle  qui rime avec Guerlinade,  un sillage aldehydé, aérien et élégant qui signe Chanel. Notes boisées et épicées pour Lutens,  effluves délicats et poétiques chez L’Artisan Parfumeur :   la plupart des maisons de parfums ont une « patte » maison.
  Et pour Etat Libre d’Orange ? Quelles sont les notes communes aux parfums de la marque ?
  Des aldéhydes métalliques que l’on retrouve principalement dans Sécrétions Magnifiques, et ses notes de tête crissantes à l’odeur de sang, mais aussi dans l’Eau de protection de Rossy, où la rose bulgare se fait mordante, comme parée d’épines piquant la peau.  Ces mêmes aldéhydes que l’on retrouve dans Malaise of the 1970’s pour rendre l’effet électrique,  grinçant et amer des seventies qui touchent à leur fin.


   Des épices, beaucoup d’épices. Les baies roses et l’encens d’Archives 69, parfum signature de la boutique du Marais,  la coriandre de Fils de Dieu, le gingembre et l’immortelle qui donnent toute sa personnalité brûlante à Like This De la cannelle sexy et aguicheuse de Noël au Balcon, au clou de girofle qui insuffle du caractère au départ cologne de Je Suis un homme, les épices pimentent la narration olfactive. Elles façonnent et étoffent une fragrance,  jusque dans Rien où le poivre, le cumin  et les facettes épicées de l’encens attisent un cuir dense et complexe.


  
     

      Mais évoquer Etat Libre d’Orange sans les notes animales et cuirées qui ponctuent ses parfums, c’est passer à côté de l’essentiel.  Au-delà du caractère hautement sexuel de  Secrétions Magnifiques et son accord lacté, il suffit de sentir Vierges & Toreros et son odeur bestiale de costus pour s’en convaincre. Ou encore de percevoir les notes de civette et de jasmin indolé qui rendent Charogne  unique. Ces notes animales un peu sexuelles, on en retrouve un peu partout, du fond musqué d’Archives 69, à la note de cumin évocatrice de luxure dans Putain des Palaces, en passant par le castoreum  sous l’apparente fraîcheur de Fils de Dieu.




    Animales mais aussi cuirées, ces notes de fond signent bon nombre de créations de la maison.  Si Rien est ostensiblement construit autour du cuir, plusieurs parfums en font une facette, comme Je suis un homme par exemple. Parfois le cuir se dessine plus souplement,  qu’il s’agisse de Tom of Finland et sa note daim, tout comme Vraie Blonde, Putain des Palaces ou Dangerous Complicity, mais il reste toujours ce fond un peu particulier qui donne tout leur caractère aux parfums d’Etat Libre d’Orange.


Une pincée d’aldehydes aux accents métalliques, des accords épicés et piquants, des notes de fond animales et cuirées : telle serait donc l’empreinte  « maison » des fragrances d’Etat Libre d’Orange.


mercredi 8 août 2012

"Sous le soleil exactement": Lumière Blanche, Olfactive Studio.

  Je souhaitais en parler bien avant, mais ces dernières semaines se sont avérées assez chargées, laissant beaucoup de projets d'articles inachevés. Néanmoins, Lumière Blanche est un de mes derniers coups de coeur en date, (avec le prochain Volutes de Diptyque, à venir, entre autres). 

 Dans l'idée chère à la marque Olfactive Studio de lier l'univers de la photographie à celui du parfum, afin de lier la vue et l'odorat, Lumière Blanche traduit l'émotion que l'on peut ressentir devant une magnifique photo de Massimo Vitali d'une plage de sable blanc au large des côtes italiennes.

  
Lorsque j'ai senti ce parfum pour la première fois, à l'occasion de son lancement au mois de juin, c'est l'odeur douce et lactée du santal qui m'a sauté au nez. J'ai ensuite tourné les yeux vers la photo qui a inspiré la fragrance, et j'ai été saisie par l'adéquation de cette illustration. Celle-ci nous montre une plage dont le sable est si blanc qu'on pourrait croire de prime abord à un glacier, s'il n'y avait tous ces baigneurs en maillot de bain qu'on aperçoit au loin. Or Céline Verleure a très bien exprimé cette impression de chaud-froid qui se dégage de cette  photo à travers ce nouveau parfum. 


  Ce contraste tient en partie aux notes d'épices froides de la cardamome en tête, soutenues par un effet légèrement anisé, et contrebalancées par la douceur d'un accord "lait chaud" et un santal onctueux. L'iris étire l'aspect un peu froid des notes de tête,  tandis que la fève tonka apporte ses facettes chaleureuses et baumées en fond, pour assouplir et arrondir la fragrance. Le cèdre achève de dessiner les contours boisés du parfum en se fondant totalement avec le velouté crémeux du santal. Seul le cashmeran vient équilibrer le fond soyeux avec son côté  un peu "sec".

   A la fois lumineuse et chaleureuse, Lumière Blanche est une ôde à la douceur de vivre,  à la lumière irradiante du Soleil, un parfum de bien-être, rassurant, mais qui réconforte sans gourmandise aucune,  en jouant simplement des nuances des notes boisées associées à un accord lacté. 


  
   

dimanche 24 juin 2012

Une matinée chez Symrise: la Chine, ce marché qui fascine les marques

Il y a un peu plus de deux semaines, Symrise avait invité une poignée de blogueurs et de personnes évoluant dans l'univers du parfum dans ses locaux. L'idée était de nous convier à une présentation vouée à explorer les futures tendances des consommateurs, mais aussi d'approcher de plus près ce pays auquel les marques font les yeux doux: la Chine. 

Je ne relaterai pas ici l'analyse mega trend sur les tendances de consommation car c'est un peu difficile de la résumer en un post, (même si c'était très pertinent), mais j'ai trouvé intéressant d'évoquer la Chine. En effet, cette puissance captive l'attention des grandes maisons de parfum, il n'y a qu'à en juger par la plupart des sorties mainstream d'un style hespéridé-arômatique frais destinées, en partie, à conquérir le marché asiatique. Mainstream, mais aussi de niche, comme  en témoigne la Collection Asian Tales By Kilian. 

A l'origine de cette analyse, le voyage de Symrise en Chine, pour les trente ans de cette société de création. Le but n'était pas de créer des parfums pour ce pays, mais plutôt de s'inspirer de ce que la Chine peut nous offrir, en termes de matières premières nouvelles ou de culture.

Quelques constats de base d'abord: la cosmétique, pour les chinois, c'est avant tout le domaine du personal care: soin et du maquillage. Leur conception d'une fragrance diffère de la nôtre, pour eux, le parfum c'est avant tout le respect des autres. Et on l'aura remarqué, lorsque les grandes marques s'adressent aux asiatiques, c'est à travers des parfums frais,  des notes aériennes, bref des fragrances qui ne nous parlent généralement pas trop, nous autres perfumistas en mal de compositions affirmées, sensuelles ou complexes.  Néanmoins, d'après cette analyse, cette tendance pourrait évoluer, les plus jeunes générations s'ouvrant peu à peu à des fragrances plus capiteuses, plus signées. (Peut on y voir un signe d'espoir??)

Le propos de Symrise ici était de dénicher des accords novateurs pour la parfumerie en s'inspirant des matières premières que peut nous offrir la Chine : différentes variétés de jasmin  (jasmin sambac) ou de magnolia (plus aqueux), par exemple, mais aussi de leur culture. En effet, de la même manière que nous avons nos parfums sucrés et gourmands, pourquoi ne pas s'inspirer des habitudes tasty de ce pays pour innover?  Ici il peut s'agir notamment de combinaisons de notes fruitées et épicées. A cette occasion nous avons senti un accord travaillé autour du riz et d'une note fruitée un peu ananas, de mémoire, très originale, surprenante et dépaysante. 


Mais la Chine, c'est aussi le thé, bien sûr, et ce fût l'occasion de découvrir des essais autour du Pu Er Tea, ce thé traditionnel post-fermenté qui doit son nom à la ville de Pu'Er, dans la province chinoise du Yunnan.  L'accord construit autour de cette note "thé" était à la fois terreux et animal, boisé et fumé. Ce qui ouvre des voies intéressantes: on peut imaginer que cette note  pourrait constituer, à l'avenir, une sorte de oud asiatique, permettant de travailler des compositions  autour d'une note animale mais ici d'origine chinoise.


Au cours de cette matinée, nous avons également senti un accord construit autour du ginseng,  ce produit aux vertus énergisantes. Cet accord doux-amer  se mouvait entre amertume et sucre, avec un léger côté épicé rappelant la cannelle.

Au final, l'idée était surtout de montrer ce que ces accords innovants pouvaient apporter aux domaines du beauty care et de la fine fragrance, de mettre en avant les nouvelles tendances qui pourraient émerger de ces inspirations. Quelques exemples: une proposition d'accord pour un gel douche travaillé autour d'une note acide de gingembre, avec un effet "coca",  et d'une nouvelle molécule issue du thé vert, mais aussi l'accord riz-fruit évoqué précedemment,  retravaillé d'une manière volontairement plus féminine, et plus florale, qui pourrait constituer une piste intéressante pour des compositions de la fine fragrance. Ou encore pour les hommes, un travail autour de l'eucalyptus, dont on a atténué l'effet médicinal au profit de sa fraîcheur et sa douceur, sur un fond boisé. 


Bref, des pistes à suivre pour les années à venir!


















mardi 15 mai 2012

Oriental Lounge, The Different Company

A l'occasion de la sortie des quatre nouvelles Colognes de The Different Company, (dont j'aime assez Sienne d'Orange, même si ce n'est pas mon registre habituel), j'ai eu envie de me replonger dans la gamme des parfums déja existants de cette maison. 

Si c'est aujourd'hui Bertrand Duchaufour, puis Emilie Coppermann qui ont repris le fil créatif de la marque, ce sont d'abord Jean-Claude Ellena, puis sa fille, Céline Ellena, qui ont initié les premières fragrances de The Different Compay. 



Parmi celles-ci,  plusieurs me plaisent,  comme Jasmin de Nuit,  (Céline Ellena), une composition originale autour du jasmin, qu'on aurait dépourvu de ses accents indoliques au profit d'un musc assez animal en fond, paré de notes ambrées  mais surtout épicées.  Leur Bergamote est aussi très jolie, tandis que Sel de vétiver, De Baschmakov et Sublime Balkiss sont autant de créations  originales et réussies. 


Mais fidèle à mon goût pour les orientaux, c'est Oriental Lounge  (Céline Ellena également), que j'avais envie d'évoquer,  notamment pour la réécriture originale du genre qu'il propose, mais aussi pour sa note prononcée en fond de labdanum, une de mes matières premières préférées (bon, avec la vanille, l'iris, le jasmin....).

La première chose qui saute au nez lorsqu'on sent Oriental Lounge, c'est cette note de curry en tête, qui, non contente d'ajouter d'emblée une dimension épicée au parfum, procure immédiatement un effet un peu "sec", qui peut surprendre dans un registre ambré où les les notes s'étirent souvent sur un fini baumé, poudré-crémeux et langoureux.  Cela donne également un curieuse sensation  "végétale", pas au sens "vert" du terme, mais au sens d'une impression de toucher quelque chose à la texture d'une feuille, naturelle.  


L'autre surprise est de ne pas y trouver la traditionnelle note de vanille, quasi indissociable de la famille des orientaux, ou du moins si discrète ici qu'on la distingue à peine.  C'est  d'ailleurs plutôt l'ambre qui domine, et plus exactement le labdanum. (Rappelons que l'ambre à proprement parler n'existe pas, ce que nous appelons note ambrée dans un parfum résulte généralement d'un mélange de vanille, de benjoin, de labdanum et parfois de patchouli). 



Au-delà de ce tandem feuille de curry/labdanum, ce parfum exprime toute la sensualité du genre "oriental" avec d'autres matières telles que la rose, en coeur, mais aussi la cannelle, étirant ainsi la sensation épicée du départ. Peu à peu au fil de la composition, l'effet "sec" s'atténue, s'épanouissant doucement dans ce fond ambré, sensuel,  arrondi et alangui de fève tonka et de santal, (ou du moins une matière première peut-être synthétique, mais à l'effet "santal").


Tout au long de son évolution, Oriental Lounge déploie des accents dorés/moirés, épicés (presque piquants)  et ambrés, avec une densité assez compacte, sans pour autant jamais dégager un sillage étouffant. 



vendredi 30 mars 2012

Le romantisme à l'honneur chez Etat Libre d'Orange


Le petit dernier d'Etat Libre d'Orange explore un genre très féminin, celui des grands pafums à l'aura  affirmée. Riches et complexes,  dotés d'un  sillage puissant, ils ont fait la beauté d'une parfumerie telle que l'on a pu la connaître avant l'ère des parfums liftés par des tests marketing,  les privant ainsi d'une personnalité forte.

Tout en reprenant les codes d'une parfumerie classique, Etat Libre d'Orange, en collaboration avec Mathilde Bijaoui, qui avait déjà travaillé sur le primé et très original Like This, renouvelle le genre  avec sa « patte maison », à l'aide de notes agrumes piquantes,  (bergamote, citron), légèrement épicées (baies roses), sans oublier d'y ajouter sa signature, un effet un peu animal que l'on retrouve dans bon nombre de ses créations.

L'envie d'un parfum aux faux-airs de "guerlinade" , modernisée, un parfum faussement désuet, faussement sage,  dont le titre évoquerait cette réplique célèbre,  issue de la bande dessinée La Ballade de la mer salée, d'Hugo Pratt, "Adieu, Bijou Romantique", trottait depuis longtemps dans la tête du créateur de la marque, Etienne de Swardt.  Autour de l'idée d'une personnalité facettée, que l'on va travailler pour en faire ressortir toutes les subtilités, telle une pierre précieuse à l'état brut, que l'on aurait ciselée pour en proposer un bijou serti, s'est esquissée la fragrance d'une fausse ingénue, un parfum complexe et facetté qui nous plongerait en plein coeur du romantisme du 19ème siècle, à l'époque de Musset ou de Georges Sand.


Et cette image se traduit ici olfactivement par un parfum floral oriental poudré, empreint d'un coeur composé d'ylang-ylang et de jasmin, paré de notes pétillantes et hespéridées en tête, sur un fond très baumé, où l'absolu de vanille domine, aux côté du benjoin et du patchouli, mais aussi de notes poudrées telles que l'iris, assez présent. Pour moderniser ce coeur floral, tout en le rendant plus lascif,  Mathilde Bijaoui y a ajouté  un zeste de noix de coco, (jungle essence),  qui, marié aux notes vanillées, peut donner un effet légèrement "chocolaté" sur certaines peaux. 

Si l'on peut y voir  une construction plutôt traditionnelle au prime abord,  c'est heureusement sans compter la trame souvent animale et sexuelle que l'on retrouve dans plusieurs créations de cette marque. On distingue en effet cette base un peu charnelle,  typique de cette marque, légère mais présente, en filigrane. La vanille exhale ses charmes féminins et sensuels tout au long de l'évolution du parfum, bien qu'elle s'exprime plus nettement sur peau que sur touche. En effet, sur touche, l'envolée pimpante hespéridée en tête subsiste plus longuement, la touche de baies roses se distingue plus volontiers, ainsi que l'accord solaire ylang-ylang - noix de coco qui y est  plus présent. Sur peau, ce sont  les notes de fond baumées et poudrées qui s'affirment le plus,  laissant le reste plus en sourdine.

Tel un parfum-bijou exaltant toute la féminité de celle qui le porte, cette nouvelle fragrance d'Etat Libre d'Orange semble se fondre à la peau, comme un kaléidoscope, pour faire ressortir les différents visages que l'on possède tous. 



A découvrir au 69 rue des Archives, et désormais également sur le corner d'Etat Libre d'Orange à la Scent Room du Printemps, notamment le temps d'un cocktail prévu à cet effet, le jeudi 5 Avril prochain.



lundi 5 mars 2012

Profumum Roma débarque à Paris

La Scent Room du Printemps, véritable Temple du parfum, a récemment été "rénovée", pour accueillir la plupart des marques de niche existant actuellement sur le marché. Désormais, des maisons telles que Caron, Lutens, Goutal ou l'Artisan Parfumeur cotoient aussi bien Frédéric Malle, que Francis Kurdjian ou Etat Libre d'Orange.

Parmi ces nouvelles arrivées, on peut remarquer celle de la marque italienne Profumum Roma, inaccessible en France jusqu'ici, (si ce n'est un bref passage chez Aepure, avant que cette boutique ne mette la clef sous la porte). 





Cette entreprise familiale,  créée en 1996 en Italie, s'est d'abord fait connaître avec Acqua di Sale, (devenue depuis son best-seller en Italie), un parfum frais et iodé, aux notes salées et salycilées.

Cette marque se distingue par des flacons à grande contenance, aux fragrances très puissantes et tenaces. En effet, le pourcentage de concentré de parfum est très élevé,  (plus de 30%), offrant ainsi un beau sillage et une tenue irréprochable, voire hors du commun. Cette large gamme de fragrances, pour la totalité composées par la famille Durante, s'étend des hespéridés aux boisés ou épicés, en passant par quelques fruités  (notamment autour de la figue tel qu'Ichnusa), ou gourmands (Vanitas, Acqua E Zucchero).



Parmi celles-ci, celles qui m'ont le plus marquée sont Arso, Suavissima, Tuberosa ou Fiori d'Ambra. Arso est un parfum original aux notes résineuses, boisées, fumées voire cuirées en fond. Ce n'est pas du tout mon registre, mais je pense que c'est un des plus intéressants de la gamme. J'y sens du pin, de l'encens, des notes boisées telles que du cèdre ou du vétiver peut-être (mais dans ce cas un vétiver fumé type Java), et un fond cuiré, peut être grâce au styrax. La philosophie de la marque étant de retranscrire un moment vécu, une sensation, grâce à une émotion olfactive, Arso se veut évoquer un moment passé au coin du feu,  dans un chalet à la montage, en dégustant un verre de vin, .... en bonne compagnie.

Soavissima, un poudré qui ravira les adeptes de Teint de Neige, de Villoresi, est un joli féminin, censé représenter une femme descendant les marches sous un chapeau, dont on ne distinguerait pas le visage.  Sous des volutes très "talc", sans doute composées d'héliotropine, d'iris, et de vanille en fond, ce parfum est également très "fleurs blanches", autour du jasmin et de la fleur d'oranger. J'y perçois également un effet "cosmétique", autour de la rose.

Fiori d'Ambra, Tuberosa, et deux compositions autour de la figue (mais dont Jicky, sur son blog, vous parlera prochainement mieux que moi, puisque nous avons décidé de réaliser un billet croisé autour de cette maison), sont également intéressantes à découvrir. Et c'est, surtout, l'occasion de passer faire un coucou à Valérie, l'ancienne démonstratrice du stand Différentes Latitudes aux Galeries, qui vous présentera cette marque avec l'enthousiasme et la passion qu'on lui connaît.

mardi 21 février 2012

Habanita revient sur le devant de la scène.

   Mardi dernier, la marque Molinard nous conviait, nous autres bloggueurs, à célébrer la Saint-Valentin sous le signe d'Habanita, son parfum phare, le parfum qui fit entre autres la renommée de cette petite maison grassoise. 
    A l'origine, ce parfum chef de file des orientaux, à l'instar de Shalimar, aurait d'abord été conçu  en 1921, sous la forme de sachets parfumés, pour masquer l'odeur de cigarettes des garçonnes, avant de devenir une vraie fragrance en 1925. On avait coutume de dire qu'il était le parfum "le plus tenace du monde" et quiconque l'a porté pourra témoigner de sa tenue hors du commun, qui subsiste parfois  même après la douche. 
    
Il est encore aujourd'hui impossible de connaître le nom du génie qui l'a composé,  (mais on ne peut que l'en remercier). Habanita est un habile mélange de notes vanillées, poudrées mais aussi boisées, aux accents "tabac", voire cuirés.  Il semble avoir un peu perdu, au fil du temps et des reformulations,  de ses nervures cuirées voire fumées, mais reste néanmoins un parfum extrêmement sensuel,  (presque aphrodisiaque), intriguant, de caractère,  qui ne laisse jamais indifférent tout en conférant une aura particulière à celle (ou celui..?) qui le porte.  

  
  S'il s'ouvre, dans sa version eau de toilette du moins, sur des notes un peu aigres qui peuvent dérouter au prime abord, il faut absolument le laisser évoluer pour mieux se laisser surprendre. Sa magie repose sur cet accord vanille-vétiver, structure qui s'accompagne d'inflexions poudrées (héliotropine), de notes florales, en coeur, (jasmin, ylang-ylang, notamment), et d'un fond boisé où le cèdre vient apporter un effet tabac, qui s'accorde à merveille avec la vanille.  Je ne m'étendrais pas aujourd'hui sur la totalité de sa composition car je l'ai déja fait ici ou , mais je préciserais juste qu'il contient probablement de cette base qu'on appelle "mousse de saxe", présente aussi  dans Nuit de Noël de Caron,  par exemple, une base de Laire qui donne un aspect un peu animal,  à la fois baumé, boisé, humide, cuiré et un peu "fourrure" aux parfums. 
   Désormais oublié sur le bas des étagères des Marionnaud, Sephora et autres grandes chaines de distribution, c'est un parfum devenu méconnu,  ce qui est dommage compte tenu de son formidable rapport qualité/prix. 
  Et si j'en parle aujourd'hui, au-delà de cet évènement voué à le remettre sur le devant de la scène, ce n'est pas seulement parce que c'est un de mes parfums préférés avec l'Heure bleue, mais c'est surtout parce que c'est le parfum qui m'a amenée aux parfums, un de ceux que j'ai porté le plus fidèlement étant plus jeune, celui qui m'a valu un véritable coup de foudre olfactif lors d'une visite à Grasse, adolescente, celui qui m'a fait plonger de pied ferme dans l'univers de la parfumerie. 

    Mais cet évènement "mystérieux"  qu'en était-il?
  Lorsque nous avons compris qu'il s'agissait de Molinard, nous avons d'abord été ravis qu'une marque moins médiatisée que tant d'autres puisse proposer un évènement de cette envergure, puis un peu inquiets à l'idée qu'elle réinterprète une de ses fragrances mythiques... Quoi, un nouveau Habanita modernisé,  remis au goût du jour, effrayés à l'idée qu'on ait pu injecter une quelconque dose de fruits et autres mièvres sucreries dans cette merveille...

  Que nenni. Il s'agissait en fait de donner un nouveau souffle à ce "classique", le sortir des étagères poussiéreuses sur lequel il traîne, oublié, pour en proposer une nouvelle concentration, du moins une nouvelle eau de parfum, assez fidèle à l'orginal; que l'on se rassure: Habanita n'a pas perdu son âme. 

  

Au cours de cette journée, dans un hôtel paré aux couleurs de la fragrance, tout de rouge et de noir, différentes étapes (cours d'effeuillage burlesque, photos sensuelles, atelier parfum où l'on pouvait confectionner) sa propre version d'habanita),  nous ont permis de découvrir cette nouvelle version. 
  




   La plupart des adeptes de ce parfum l'utilisent généralement en eau de toilette, il faut dire que sa tenue n'a rien à envier à la plupart des extraits actuellement sur le marché. Pourtant il existait bien une version eau de parfum, dans un flacon poire,  plus ronde, moins aigre en tête, comme si on accédait directement aux notes de fond. Il me semble d'ailleurs que c'est cette version qui se rapprochait le plus d'Habanita tel que je l'ai connu au début des années 90. 

    Cette nouvelle eau de parfum est dotée désormais d'un spot publicitaire que je trouve assez en phase avec la fragrance. En effet, dans ce teaser,  on suggère plus qu'on ne montre, révèlant bien l'aura mystérieuse de ce parfum.  Contenue dans un nouveau flacon reprenant l'esprit de  l'original mais modernisé,  cette nouvelle eau de parfum ne m'a pas déçue.

  

Ce sont surtout les notes de tête qui ont changé, les aspérités ont été gommées, lissées, et l'aigreur qui peut déplaire dans les 5 ou quinze premières minutes a disparu. C'est positif dans le sens où cela permettra sûrement aux personnes qui l'essaieront de ne pas se détourner immédiatement de la fragrance en une moue de rejet, mais un adepte fidèle d'Habanita pourra lui trouver un certain manque de relief, du coup, comme si le départ était un peu "plat". 
  Passé ce détail, cette nouvelle eau de parfum évolue fidèlement à celle qu'on connaît. Les notes un peu "tabac"  et épicées ont peut -être été un peu plus accentuées que l'effet poudré,  le vétiver un peu moins appuyé, mais on reconnaît totalement la fragrance. Ce sont des nuances subtiles,  (ceci d'autant plus que les versions que j'ai ont dû macérer un peu, accentuant ainsi certaines notes), car pour autant Habanita n'a pas perdu ici de son audace, ni de cette sensualité à l'état pur qui le caractérise. Je suis donc ravie qu'une si belle création soit remise en avant (même si l'on aime tellement cette fragrance qu'on aimerait la garder secrètement cachée en bas d'une étagère, pour que personne d'autre ne se l'approprie...).



Habanita, eau de parfum, disponible fin mars 2012. 
  

jeudi 26 janvier 2012

Rencontre avec Cécile Zarokian, parfumeur indépendant.

J'ai rencontré le parfumeur indépendant Cécile Zarokian à l'Atelier-Galerie, rue des Vinaigriers,  à l'occasion de l'exposition [IP]01Un illustrateur/Un parfumeur,  à laquelle Méchant Loup avait déja consacré un bel article sur son blog

La créatrice d'Epic, pour Amouage et, plus récemment,  de Private label, pour Jovoy,  m'a gentiment fait une démonstration de cette mise en relation parfum/image. L'occasion de revenir sur ses inspirations, son parcours et son actualité. 


Cécile Zarokian a découvert sa vocation sur le tard, alors qu'elle avait déja entamé ses études, lorsqu'elle a rencontré quelqu'un ayant fait l'ISIPCA. Ayant toujours été fascinée par les odeurs en général, le métier de nez lui a semblé une évidence. Elle a ainsi passé les concours, a été reçue, puis a enchaîné à la sortie de l'école  sur une expérience en alternance à Grasse, chez Robertet, et enfin pour la filiale parisienne, sous la direction de Michel Almairac. 

Le désir  de travailler de manière indépendante lui tient depuis longtemps à coeur et c'est l'an dernier qu'elle concrétise cette envie. Ce qui la passionne, c'est de gérer toutes les étapes d'un projet du début à la fin, de la création à la relation avec le client, car c'est un choix qui offre plus d'échange, un plus vaste dialogue.

Dans le cadre de cette activité indépendante, Cécile a récemment gagné et travaillé sur deux bougies,  "Carnets de voyage" et "Soirée câline", pour le maître cirier Perron-Rigot, qui produit notamment les bougies By Kilian.  Ces deux créations ont d'ailleurs été présentées au salon Maison&Objet, qui se tenait le week-end dernier à Villepinte. 

Les parfumeurs qui l'inspirent sont tout aussi bien Daniela Roche-Andrier (notamment pour Emporio pour elle, mais aussi pour son travail chez Prada),  que Francis Kurdjian par exemple. Côté parfum, elle avoue également avoir un faible pour Allure pour homme ou Chance de Chanel. 

Dans cette volonté de travailler de manière indépendante, il y a aussi celle de promouvoir des projets originaux, en décalage avec l'esprit formaté de la parfumerie actuelle (surtout en mainstream),  comme en témoigne cette exposition Un parfumeur/Un illustrateur, en conjuguant deux formes d'expression artistique, le dessin et le parfum.

Six illustrations, six parfums d'ambiance, créés sans contrainte relative au prix, ce qui  a permis à Cécile Zarokian de choisir une belle qualité de matières premières, qu'elle soient naturelles ou synthétiques.  Trois illustrations ont d'abord été dessinées, que Cécile a ensuite interprété  olfactivement. Puis à l'inverse, elle compose trois parfums, trois ambiances, que l'illustrateur Matthieu Appriou esquisse à son tour en images. 





J'ai eu un coup de coeur pour la cinquième oeuvre, d'emblée, aussi bien pour la fragrance en elle-même (ce sont mes notes, mon univers de prédilection, fleur d'oranger, mais aussi notes baumées, quelque chose de très féminin), que pour l'illustration qui en a été faîte.








La deuxième oeuvre, un parfum qui évoque les odeurs de montagne, m'a fascinée. Des notes boisées, un contraste chaud froid qui dépeint si bien cette atmosphère, un parfum qui m'a bluffée.  La troisième, autour du thème de la route de la soie, m'a beaucoup plu également: des notes épicées qui entourent une rose... Enfin je ne vous en dis pas plus, le mieux c'est d'aller découvrir tout ça par vous même, puisque l'expo se prolonge jusqu'en février!

A noter, l'utilisation des diffuseurs Scentys, qui permettent d'avoir un aperçu global de la fragrance, très pertinent, ici, dans le cadre d'un parfum d'ambiance. 



Plus d'infos sur le site: http://ipprojectparis.wordpress.com/
[IP]01Un Illustrateur, Un parfumeur, 
Atelier-Galerie, 
51 rue des vinaigriers, 
75010 Paris. 
www.cecilezarokian.com









jeudi 19 janvier 2012

Scentys présente un nouveau mode de diffusion de parfums d'ambiance.

Jeudi dernier, nous étions conviés, avec plusieurs bloggueurs, à la présentation des nouveaux diffuseurs créés par Scentys. 

Pourtant moins réceptive, d'ordinaire,  aux parfums d'ambiance qu'aux parfums pour soi, j'ai été réellement surprise et enchantée de découvrir ce projet.

Quelques mots tout d'abord sur Scentys au préalable: il s'agit, dans les grandes lignes, d'une start up créée en 2006 par deux passionnés de technologie et de parfums. L'idée était de concevoir une nouvelle manière de diffuser les senteurs, à la fois ergonomique, écologique et esthétique, à travers par exemple, une innovation telle que l'écran olfactif, notamment pour la promotion d'une nouveauté dans les abribus.  

Scentys propose aujourd'hui un "nouveau geste parfumeur", grâce au Scentys pocket, destiné aux fragrances d'intérieur. Ce bel objet fonctionne à l'aide de capsules insérées dans le diffuseur, qui les propulse en un souffle d'air. Pour l'avoir testé chez moi, la diffusion est ample et efficace pour remplir une pièce en à peine 15 minutes par exemple. 


Ce diffuseur est d'abord conçu pour les grands hôtels qui souhaitent agrémenter le séjour de leurs visiteurs d'une belle ambiance parfumée, mais sert aussi aux groupes de création tels que Givaudan, pour présenter leurs parfums d'une manière différente que sur touche avec l'évolution classique tête -coeur -fond. En effet, l'intérêt de cet objet, outre son esthétisme, est de rendre un aperçu global de la fragrance, de manière instantanée. 

Parlons parfums et odeurs maintenant. Ces diffuseurs ergonomiques et esthétiques, que diffusent ils en terme de création? 
Ce qui était intéressant dans cette présentation jeudi dernier, c'était l'explication du choix d'une matière première principale comme fil conducteur du parfum d'ambiance, en relation avec la notion d'espace-temps.  Ici l'idée était de mettre en relation des matières évoquant le temps, en relation avec la notion d'espace, celui d'une chambre d'hôtel par exemple, d'un spa, d'un lieu en général.

Six parfums disponibles, (mais un seul exemplaire de chaque), nommés Les Exclusifs, ont donc été développés en collaboration avec le parfumeur Antoine Lie, qui travaille aujourd'hui pour Takasago, (et auparavant chez Givaudan). On lui doit, entre autres,  Armani Code for men, Divin'Enfant, Rien ou Secrétions magnifiques, d'Etat Libre d'Orange.

Autour du thème du temps pour habiller l'espace, une écriture fine met en valeur plusieurs matières et familles olfactives élaborées dans une grande liberté de création.

                                                            Antoine Lie, Takasago

Parmi les parfums qui m'ont tout particulièrement marquée, il y a le "Laps d'encens", qui utilise cette matière première en raison de cette vieille tradition chinoise qui voulait que l'horloge à encens permette la mesure du temps. Pour la petite histoire, la combustion lente et régulière d'un bâtonnet d'encens brûlait le fil auquel était relié une bille, dont la chute sonore annonçait l'écoulement d'un certain laps de temps. D'où le choix de cette matière, ici, inspiré de cette légende selon laquelle il suffisait de rentrer dans un temple et d'y sentir l'encens pour se rendre compte de l'heure passée.

Réel coup de coeur pour le cinquième exclusif de cette série, nommé "Poudre de cuir", une interprétation faîte de notes cuirées adoucies d'effluves poudrées et irisées. Le choix du cuir renvoie à cette notion de temps, puisque cette matière remonte aux prémices de la parfumerie, à l'époque des maîtres gantiers parfumeurs, qui parfumaient leurs gants pour atténuer l'odeur très puissante du cuir.

J'ai également beaucoup apprécié la fragrance développée autour du narcisse, la sixième, légèrement rafraîchie de galbanum et de feuille de violette. Ici le narcisse permet de figer le temps, en référence au mythe éponyme, qui s'éprend de l'image de son reflet dans l'eau.

D'autres parfums d'intérieur ont été développés, autour du vétiver, de la rose et de l'iris.  Ce qui m'a marquée et enthousiasmée à chaque fois, c'est vraiment l'idée de travailler avec un vrai parfumeur, expert en parfumerie fine, de créer et développer des fragrances, loin de toute restriction de brief marketing et de coût d'une formule. Espérons que cela puisse un jour influencer le marché de la parfumerie mainstream....