mardi 23 novembre 2010

Spiritueuse Double Vanille de Guerlain, ou quand la vanille se fait "absolue".

Je n'avais pas craqué pour cette vanille la première fois que je l'avais sentie. Si j'aime les notes vanillées, je ne suis pas adepte pour autant des soliflores vanille, les trouvant souvent trop sucrés, trop gourmands. Ici, c'était le problème inverse, l'effet tabac amsterdammer de cette vanille est tellement présent sur moi que cela m'avait décontenancée au premier essai.


Les goûts évoluant au fûr et à mesure que l'on sent et ressent des parfums, cette vanille  enivrante a fini par me séduire. Les premières notes me font penser à une gousse de vanille qu'on aurait plongée dans du rhum arrangé, avec des épices, des raisins et des bois. On note aussi de la bergamote en tête, et des baies roses, ce qui peut donner cet aspect épicé à l'ouverture du parfum. 

Cet effet rhum se dissipe rapidement sur ma peau pour laisser place à cette odeur particulière de tabac ansterdammer, de tabac à pipe, où le cèdre prédomine très nettement. J'y perçois aussi des notes florales, comme de la rose, je pense, peut-être du jasmin et du ylang -ylang, aussi, bien qu'ici on soit clairement dans  le registre d'une  vanille boisée, loin de la vanille tahitensia, qui, elle, est fleurie et poudrée. L'encens, présent en coeur, vient prolonger la trame épicée annoncée en tête par les baies roses, tout en apportant un peu de chaleur  boisée et de caractère à cette vanille.

Les avis divergent beaucoup au sujet de cette double vanille spiritueuse, certains la jugeant  trop  gourmande, alors, et c'est peut-être une question de peau, que justement, sur la mienne, elle ne joue pas la facilité. Certes, on reste dans le thème d'une vanille, le parfum est nécessairement un peu sucré, mais ce n'est vraiment pas l'aspect qui domine. Ce n'est qu'en fond, quelques heures plus tard, que SDV s'achèvera sur des notes plus gourmandes et plus traditionnelles.  Le parfum se fond sur des notes plus ambrées, empreintes sans doute de labdanum, mais où percent surtout de l'absolu de vanille et du benjoin, apportant beaucoup de sensualité au parfum. Il est possible que de la fève tonka vienne également arrondir les dernières notes, envoûtantes, du parfum.

C'est amusant d'ailleurs car SDV devient presque plus féminin dans ses notes de fond que dans celles de tête ou de coeur, où justement elle se dévoilerait à merveille sur la peau d'un homme, pour cet univers un peu liquoreux, un peu tabac, très prononcé au prime abord. SDV peut avoir un côté réconfortant, pas pour la facette douce et rassurante de la vanille gourmande, mais justement en raison de cet aspect liquoreux et tabac, qui peut évoquer des odeurs que l'on a tous senti dans l'enfance, lorsque l'on cotoyait des adultes. C'est entre autres ce qui rend ce parfum agréable à porter, qui m'a valu d'ailleurs pas mal de compliments.


Créée avant Havana vanille de l'Artisan Parfumeur, Spiritueuse double vanille visite le  même univers, tout en donnant quelque chose d'assez différent olfactivement. L'idée est de montrer la vanille telle qu'elle est lorsqu'on la sent en absolu, avec ses accents rhum et tabac justement, légèrement cuirés, loin de la vanille crémeuse et gourmande qu'on associe à la vaniline.S'inscrivant totalement dans l'univers de la maison Guerlain, Spiritueuse double vanille rend ici hommage à une des matières premières maîtresse de la fameuse "guerlinade".


dimanche 14 novembre 2010

La traversée du Bosphore, de l'Artisan Parfumeur: promenade au coeur d'Istambul.

Cela faisait plusieurs mois que l'on attendait impatiemment ce nouvel Artisan parfumeur, tant les descriptions nous avaient mis l'eau à la bouche. Et c'est rien de le dire puisque cette Traversée du Bosphore surfe sur une vague à la fois gourmande et orientalisante, aux accents cuirés, plus ou moins affirmés selon les peaux.

Orientalisant, oui, tel était le pari à l'origine de cette nouveauté, censée évoquer une ballade à Istambul, la ville trait d'union entre orient et occident. Mais il s'agissait ici de ne pas faire un oriental avec les habituels codes vanillés. Ici c'est plutôt le cuir, évoquant les tanneries de la ville,  les épices et  les notes amandées pour  rappelant  ses gourmandises qui donnent le ton oriental au parfum. 


Un parfum s'ouvrant d'abord sur un accord pomme verte, nous transporte sur les coussins d'un bar à chicha, pour fumer un narguilé arômatisé à la pomme. Celle-ci  permet aussi de donner un peu de fraîcheur en tête au parfum, avant qu'il ne s'épanouisse sur des notes plus épicées, annoncées d'emblée par le piquant du gingembre, en tête, et joliment relevées par le safran. La grenade fait bien sûr aussi partie du paysage, au côté de la tulipe, présente dans la composition, même si elle n'est pas évidente à première vue.

L'iris pointe ensuite le bout de son nez,  tandis que se développe doucement une subtile note de cuir, (loin de la reconstitution classique à l'aide du bois de bouleau que l'on peut connaître), ici c'est plutôt  une note cuir un peu odeur de "peau". Puis, et c'est là où réside entre autres l'attrait de ce parfum, cet effet cuir se retrouve équilibré, arrondi par un accord gourmand, qui va d'ailleurs s'affirmer de manière définitive sur ma peau.

 En effet, La traversée du Bosphore varie beaucoup d'une peau à une autre, chose que j'adore. Sur certaines l'équilibre entre le cuir et l'esprit loukoum est divin, sur la mienne,  ayant naturellement tendance à  sucrer les parfums, malheureusement, l'aspect amandé est un peu trop présent, me donnant l'impression d'être un loukoum géant à la rose et à la pistache. Néanmoins, cela donne un  charme poudré au parfum, ce qui n'est pas pour me déplaire.

L'effet loukoum est saisissant, on a vraiment l'image d'une patisserie orientale recouverte de sucre glace, et les notes pistaches, assez originales dans un parfum je trouve, semblent plus vraies que nature. Toujours pour évoquer les charmes d'Istambul, il s'agit bien sûr d'un loukoum à la rose, une rose de Damas, une rose turque, aux accents traditionnellement fruités en tête et qui s'accorde bien ici avec la construction du parfum. Cet aspect loukoum se prolonge longtemps sur ma peau... au point d'en éclipser un peu les autres subtilités de la Traversée du Bosphore mais que je vais  quand même tenter d'évoquer.

Outre cet accord loukoum, l'idée était aussi de créer plusieurs couches de cuir, à différents stades du parfum, à chaque fois équilibrées par d'autres notes. Le cuir,  en sourdine sur ma peau, est donc ici un cuir  doux, un peu daim, un peu fumé aussi, symbolisant les tanneries d'Istambul. Les notes baumées qui viennent l'adoucir ajoutent d'ailleurs à sa délicatesse. Le parfum se fond enfin sur des notes plus boisées, et musquées, mais  l'ensemble reste  très sucré amandé sur ma peau, bien que l'on sente, une facette cuir, veloutée, un peu timide, cachée sous ces délices gourmands.


Depuis quelque temps, la tenue des parfums de cette belle maison semble  s'être améliorée (je pense notamment à Havana vanille ou Nuit de tubéreuse),  et c'est encore le cas ici de cette nouveauté. Sans être envahissant, lourd ou très enveloppant, le sillage est bien réel, les notes de fond restent sur la peau, et la tenue sur les vêtements est très bonne. Cette nouveauté, qui s'inscrit dans la collection des carnets de voyages de l'Artisan Parfumeur, brille donc par son originalité, celle d'un accord cuir-loukoum, pour le moins novateur.  

Pour vous faire un autre avis de cette  Traversée du Bosphore, rendez-vous sur le site de Poivrebleu!