lundi 27 mai 2013

Chanel N°5: de l'abstrait à l'Extrait.

   Fin mai l'an dernier, nous nous envolions avec Thierry d'Olfactorum, (grâce à l'équipe Chanel)  pour Grasse, direction la cueillette de la rose de mai, celle que l'on trouve encore dans l'extrait du N°5. 

  Une année s'écoule tout juste alors que ce parfum mythique est à l'honneur dans le cadre de l'exposition Culture Chanel au Palais de Tokyo, qui met en valeur les différentes influences artistiques qui ont jalonné la vie de Gabrielle Chanel, jusqu'à en imprégner naturellement l'univers du N°5.

   Cocteau bien sûr, mais aussi Stravinsky, Misia Sert, Serge Dhiagilev, Boy Capel (son amant et grand amour), en passant par Picasso ou les protagonistes de Dada,  autant de noms qui firent l'émulation créatrice de cette sphère artistique dans laquelle s'épanouissait Coco Chanel et que vous retrouverez en vous rendant au Palais de Tokyo.  Cubisme, art abstrait, surréalisme, un contexte très avant-gardiste qu'il est amusant de (re) découvrir en parcourant la vie de Chanel à travers cette expo. Mais vous pourrez aussi sentir à l'étage des matières premières emblématiques du N°5:  bergamote, santal, vanille, yang-ylang, aldehydes, la rose et le jasmin.




   La rose et le jasmin, justement parlons-en. Deux matières qui sont encore cultivées à Grasse pour l'extrait du N°5.  Le Jasmin Grandiflorum, qui y fait l'objet d'une culture spécifique depuis plusieurs siècles, mais dont la production concerne aujourd'hui une infime partie de l'industrie du parfum, et la Rose Centifolia, relativement délaissée de nos jours au profit de la Rose Damascena (rose bulgare, rose turque), mais dont la culture subsiste actuellement à Grasse, principalement pour l'extrait du N°5.


 C'est à la cueillette de cette rose veloutée à l'odeur ronde et miellée, un peu épicée, voire parfois cireuse avec quelques accents artichauds,  et dont les effluves embaumaient alors que nous n'étions même pas encore arrivés au champ, que nous avons pu assister à la fin du mois de mai l'an dernier.

 
   C'est à une structure agricole petite et familiale qu'a confié Chanel la culture de sa rose de mai. En effet, au cours des années 80, pressentant le tour très industriel qu'allait prendre la production de matières premières, risquant d'entrainer la disparition d'un certain savoir-faire artisanal, Chanel a choisi de travailler avec des agriculteurs indépendants qui connaissent parfaitement leur métier, afin de privilégier la qualité. C'est donc dans une atmosphère conviviale, dirigés par la famille d'agriculteurs de la famille Mul, dans un champ où les cueilleuses ramassent jusqu'à 2000 fleurs par heure, que nous avons assisté au déroulement de la cueillette de cette fleur mythique.


   Ici, tout se passe à la fin du mois de mai, apogée de l'épanouissement de cette fleur. C'est dès le matin et ce jusqu'à midi, que l'on recueille la rose, avant que la soleil n'en modifie l'odeur par sa chaleur.  C'est d'ailleurs pour cela qu'une fois cueillis et remplis les sacs doivent être acheminés rapidement vers la distillerie pour le processus d'extraction aux solvants volatils, plus précisément ici à l'hexane, afin d'obtenir le fameux absolu de rose.



       Ces sacs de petites roses, pâles et fragiles, (assez différentes de la rose bien ronde qu'on a l'habitude d'observer dans un bouquet), se déversent dans des cuves remplies d'hexane, avant de pouvoir en séparer la concrete qu'on lave ensuite à l'alcool, pour enlever les cires et produire ce qu'on appelle l'absolu. (Rappelons qu'il faut environ 400 kilos de rose pour produire 600 grammes d'absolu).


    L'absolu de rose de mai, assez différent olfactivement de l'essence de rose de Damas, est aux côtés du jasmin, ce qui apporte la richesse particulière de l'extrait du N°5. A découvrir pour ceux qui ne connaîtraient que l'eau de toilette ou l'eau de parfum.






  
    

vendredi 3 mai 2013

Olfactorama 2012, le prix des amoureux du parfum.

    Les consommateurs souvent,  les vendeuses, parfois,  "le parfum, tout le monde s'en cogne", résumait tristement un de mes acolytes  lors du lancement pourtant très sympathique de la boutique Liquides mercredi 24 avril dernier, à deux pas de la rue de Bretagne. 
  
    Tout le monde? Non. Une petite poignée d'irréductibles,  qui semble résister à ce cynisme ambiant,  s'est réunie dans les locaux de l'ESP (nouvelle école destinée aux métiers de l'olfaction,  accessible directement après le bac), samedi dernier pour la remise des prix de la première édition de l'Olfactorama 2012

    L'olfactorama,  comme vous l'avez peut être lu sur d'autres blogs récemment, est un prix organisé par cinq blogueurs, dans l'idée de récompenser les lancement de 2012 les plus remarquables, qu'il s'agisse du mainstream, ou de la niche, d'un coup de coeur ou d'audace technique.

   Guerlain, qui semble rafler tous les prix cette année avec sa Petite Robe Noire (Fifi awards, Marie Claire etc...) s'est illustré ici avec Shalimar Initial L'eau, pour le prix du grand féminin. Un flanker, parmi tout autant de flankers ou éditions limitées pour les nominés... Une sélection  qui semble déroutante de prime abord mais qui n'est qu'à l'image d'une année 2012 pauvre en créativité chez les grandes marques  (Manifesto, La Vie est Belle et j'en passe), la qualité se révélant plutôt dans des fragrances éphémères ou des déclinaisons (Baiser Volé edt, Alien collection Le Goût du Parfum, First Eau de parfum intense, L'eau en blanc Lolita Lempicka).  Thierry Wasser nous a gratifié d'un beau discours pour l'occasion, rappelant que c'est à travers notre  communauté de passionnés, qui s'exprime aujourd'hui beaucoup sur la toile, que le parfum continue à vivre pleinement.

   Les hommes ont été plus gâtés que nous l'an passé, puisqu'entre Noir de Tom Ford, Spicebomb (la bonne surprise de Victor& Rolf) ou Déclaration d'Un Soir de Cartier, le choix fût cornélien. C'est ce dernier qui a  remporté l'adhésion des jurés, pour sa beauté et son originalité, une rose sombre, boisée et épicée que nous a concoctée Mathilde Laurent, dont la présence parmi nous en a ravi plus d'un,  (surtout une personne en particulier dont je tairais le nom ici...).



  La parfumerie alternative n'était pas en reste, qu'il s'agisse d'émotion avec le prix de l'enthousiasme, ou d'audace créative pour le prix de la virtuosité, l'année 2012 a été plutôt prolifique côté niche. Si mon chouchou était Bijou Romantique d'Etat Libre d'Orange, avec un petit faible pour Lumière Blanche d'Olfactive Studio, c'est Séville à l'Aube de l'Artisan Parfumeur qui a séduit le jury pour le prix de l'Enthousiasme.
   Difficile de choisir entre des créations telles que Bois d'Ascèse de Naomi Goodsir, Musc Tonkin de Parfum d'Empire ou Perle de Mousse d'Ann Gérard, mais c'est Mito de Vero Profumo, un chypre à l'envolée hespéridée radieuse qui a remporté le prix de la virtuosité.



  Parce que le parfum c'est aussi une histoire d'ambiance,  la bougie Tubéreuse de Frédéric Malle, dans la veine du beau Carnal Flower, s'est imposée comme le gagnant du prix Atmosphère. Enfin,  les initiatives autour de l'univers olfactif méritant qu'on s'y attarde, le jury de l'Olfactorama a souhaité souligner les démarches telles que celle de Constance de Roubaix, avec In The Ere, l'évènementiel par les Sens ou encore celle du Ministère au Parfum.

   Une première édition de ce prix des blogueurs très enthousiasmante, qui laisse présager d'autres bons moments en perspective.