Si Patou est une des maisons de couturiers qui s'est illustrée dans les beaux jours de la Parfumerie du début du XXème siècle, (Joy, Vacances, Colony, Moment Suprême), elle pourrait presque aujourd'hui se targuer de faire partie des marques de "niche" tant son rayonnement est devenu confidentiel. Non qu'elle soit tombée en désuétude, ses parfums continuent de vivre et d'être achetés par une clientèle fidèle, mais en privilégiant une adresse unique dans Paris, une discrétion de communication et une gamme qui ne cède pas aux dicktats du marketing, elle se rapproche plus aujourd'hui des codes de ce qu'on appelle la Haute Parfumerie que de ceux du mainstream.
Devenue, notamment, célèbre grâce à Joy, un floral composé d'une très belle qualité d'essence de rose et de jasmin, alors excessivement coûteux à produire, (le "parfum le plus cher au monde") offert à ses clientes américaines ruinées comme un pied de nez à la crise de 1929, la marque Patou fait aujourd'hui un clin d'oeil à cette situation en lançant un flanker de son best-seller, Joy Forever, en pleine période de crise économique également.
J'ai trouvé ce parallèle intéressant, ainsi que la fragrance en elle-même, puisqu'elle m'a semblée totalement inscrite dans l'esprit de la maison, contemporaine, sans verser dans le rajeunissement à tout prix. Exit, donc, la vaniline, l'éthyl maltol (caramel) et les fruits rouges pour capter une nouvelle clientèle.
Ici, pour esquisser ce que serait une version "moderne" du beau et grand classique Joy, Thomas Fontaine, le parfumeur qui a repris les rênes de la maison Patou, apporte de la fraicheur au traditionnel accord floral en lui greffant quelques notes de mandarine et de pêche, ciselant une sensation duveteuse et lumineuse à l'envolée du parfum. Cette lumière s'épanouit en coeur avec la rondeur ingénue de la fleur d'oranger et le poudré de l'iris, mariés à la rose et au jasmin, (l'adn de Joy). Ce bouquet floral, à la fois dense et aérien, comme un lien entre la profondeur de l'original et les codes actuels de notre époque, évolue en se fondant dans le santal, d'ailleurs assez présent sur ma peau.
Au final, comme Juliette de Poivre Bleu, je trouve une petite touche années 80 à Joy Forever, dans le bon sens du terme, en raison d'un certain classicisme, (revendiqué d'ailleurs, la clientèle visée est certes plus jeune, mais qu'il s'agisse du prix ou du style on ne s'adresse pas non plus à une jeune fille): un coeur floral sur un fond boisé crémeux, relevé de cette petite touche de pêche en tête qui a marqué certaines créations de ces années là. Mais tout en restant plus "léger", épuré, sans l'effet "épaulette" - qui personnellement ne me déplait pas - mais pouvant dater un parfum au "nez" de certains. Joy Forever pourrait être le parfum de cette femme à l'allure romantique, féminine, raffinée, à l'image de l'esprit Patou, dont l'élégance et la qualité ont fondé la réputation.
(Disponible courant octobre 2013 à la boutique Patou).
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